Appel à soumission pour le 4e numéro JREA/JRAE (numéro spécial) - 30 novembre 2023

25-09-2023

Quatrième numéro JREA/JRAE (numéro spécial)

La place du corps dans l’éducation à la création artistique : quels enjeux ? 

Coordination :

Antonio Trajanoski, Laboratoire CREAT / HEP Vaud et Laboratoire GCAF-ADEF (UR 4671) / Aix-Marseille Université

Suzanne Boulet, Laboratoire CREAT / HEP Vaud et Laboratoire ARTES / Université Bordeaux-Montaigne

Clara Périssé, Laboratoire CREAT / HEP Vaud et Laboratoire ACCRA / Université de Strasbourg

Les enjeux :

Ce numéro spécial JREA/JRAE fait suite à la journée d’étude organisée à la Haute école pédagogique du canton de Vaud (HEP Vaud) du 6 juin 2023. Elle portait sur les enjeux autour de la place du corps dans l’éducation à la création artistique. Avec ce numéro, nous souhaitons publier des articles en lien avec cette thématique.

 Tandis que le verbe « transmettre » s’incarne en didactique de la danse, du fait même qu’il renvoie à « mettre dans le corps de l’autre » (Mili et al., 2013, p. 92), la proposition consiste à interroger cette conception de la transmission en l’élargissant aux autres disciplines artistiques dans leur diversité (arts visuels, musique, activités créatrices et manuelles, design, arts performatifs, etc.).

Au cours du XXe siècle, l’éducation artistique a évolué, d’une approche centrée sur le produit fini et la maîtrise technique à une approche portée sur le processus (Lahalle et Lagoutte, 2006) en tant que « faire » artistique, dont l’essence même se rapproche d’un cheminement entre réflexion et pratique (Pélissier, 1998). Dans cette perspective, ce numéro spécial tend à définir l’étroite relation entretenue entre processus d’incorporation du savoir et processus de création dans l’éducation en art. Nous y interrogerons les notions de corporéité, de corps propre, d’incorporation et d’incarnation (embodiment) lors d’une démarche de création en contexte de formation.

En éducation, bien que le corps devienne central dès le début du XXᵉ siècle, avec l’émergence des pédagogies dites actives (Jaques-Dalcroze, Montessori, Kodály, Willems, Orff, Freinet, etc.), Pujade-Renaud (2005) expose une toute autre réalité en contexte de formation. Celle-ci se cristallise dans l’invisibilisation du corps d’un « élève-zombie » (p. 13), dont la présence semble se réduire au simple usage de l’oreille et de la main. L’auteure suggère alors « le rétablissement d’une vie relationnelle, corporelle et affective, facilitée par le changement spatial, [pour] favorise[r] la circulation du langage » (p. 51).

Les apports de l’approche cognitiviste, sur lesquels se sont longtemps appuyées les sciences de l’éducation, semblent atteindre leurs limites dans plusieurs domaines de recherche, que ce soient la psychologie, les neurosciences, la philosophie ou la linguistique. De récents courants, comme la cognition incarnée, s’inscrivent dans la continuité des approches phénoménologiques et ouvrent des perspectives éducatives, en replaçant le corps au centre du processus d’apprentissage.

Dans le cadre plus spécifique de l’éducation artistique, il s’agira alors de nous demander dans quelle mesure la corporéité des apprenantes et apprenants est engagée lors d’expériences de création dans les disciplines artistiques. Nous proposons d’explorer la place du corps dans l’éducation en art à travers trois grands axes : le corps médiateur (le corps en relation directe à son milieu environnant), le corps médié (le corps aux prismes des technologies numériques et non numériques) et le corps médiatisé (les enjeux d’une éducation artistique à distance).

Axe 1 : le corps médiateur – le corps en relation directe avec son milieu environnant

 Alors que les corps apparaissent de plus en plus outillés d’objets connectés, la compréhension du phénomène de la perception évolue d’une vision mécaniste, où le corps est entendu comme un médium à modeler au service d’un usage, vers une conception sensible, au sein de laquelle le corps s’écoute et se révèle comme médiateur dans une attention active portée au monde environnant. Sans plus l’envisager comme un phénomène passif, possible uniquement par l’intermédiaire d’une représentation mentale, la perception semble déjà traversée par la réaction du geste corporel. Chaque élément du milieu environnant est une invite, en vertu de ce qu'il invite « à faire ». 

Comment comprendre la résurgence actuelle des questions et pratiques liées au sensible dans le champ éducatif ? À quelles évolutions de nos pratiques enseignantes nous conduit-elle dans les disciplines artistiques ? Dans quelle mesure cette conception du corps-médiateur se retrouve-t-elle dans le processus de création en contexte de formation ? Peut-elle converger avec une extension des théories du « care » ? Finalement, comment entre-t-elle en résonance au regard des enjeux sociétaux soulevés par la crise écologique ?

Axe 2 : le corps médié – le corps aux prismes des technologies (numériques et non numériques)

Le corps, au centre du processus d’apprentissage, peut être outillé, c’est-à-dire équipé de divers artefacts (outils, appareils, dispositifs). Ces derniers affectent nos facultés de perception, de raisonnement, de communication et d’action. En outre, depuis plus d’une quarantaine d’années, les technologies numériques ont profondément et durablement reconfiguré la relation aux modes de perception dans les arts et la place du corps dans le processus de création.

Il s’agira dès lors de se questionner sur la place du corps médié dans les apprentissages artistiques. Au regard des artefacts mobilisés (numériques et non numériques), quelles sont les façons de penser les réalités du corps dans la création et dans l’éducation artistique ?

Comment l’utilisation des technologies numériques dans l’éducation artistique annonce-t-elle quelques perspectives émancipatrices pour les corps ? Ou au contraire, comment laisse-t-elle présager leurs assujettissements ? Quels sont les apprentissages issus de cette rencontre du corps avec les technologies numériques et comment renouvelle-t-elle le rapport à la corporéité ? 

Axe 3 : le corps médiatisé – les enjeux d’une éducation artistique à distance

La crise sanitaire du Covid-19 a fortement impacté les milieux de l’éducation artistique et de la scène artistique. Les acteurs et actrices concerné·e·s ont dû s’adapter aux épisodes de confinement et proposer de nouveaux formats de rencontre, réalisés à distance synchrone ou asynchrone. 

Sur la scène artistique contemporaine, une multiplication des expériences de création innovantes pensées et réalisées à distance a été observée. Proposées par des institutions culturelles et par des artistes, ces formes artistiques ou de médiation ont joué avec la distance et ses agentivités induites. Dans le milieu de l’éducation, il a fallu repenser les modalités d’enseignement-apprentissage et apprendre à enseigner à travers une interface virtuelle et avec les outils technologiques que l’on avait à disposition (smartphone, ordinateur et tablette). 

Quelles sont les réalités de la place du corps dans les démarches de création dans ces situations éducatives à distance ? Comment la multiplicité des espaces, pouvant être dévolue à d’autres activités (espace domestique, professionnel), a-t-elle été pensée, exploitée ou éprouvée lors de pratiques de création à distance dans une finalité éducative ? 

Modalités de soumission :

Nous accueillons les propositions d’articles s’inscrivant dans les thèmes suivants :

Les notions de corporéité, corps propre, corps médiateur, corps médié, corps médiatisé, d’incorporation et d’incarnation (embodiment) lors d’une démarche de création, dans des disciplines telles que les arts visuels, la musique, les activités créatrices, le design, les arts performatifs.

Chaque article doit être écrit en français ou en anglais. Il doit comprendre 35 000 signes maximum, espaces compris et hors bibliographie (voir Directives JREA aux auteur·e·s). Il est accompagné d’un résumé de 100 mots en français et en anglais, et d’une biographie de 75 mots en français et en anglais de chaque auteur. Il donnera lieu à une évaluation en double aveugle par un comité international d’expert·e·s.

Les contributrices et contributeurs font parvenir leur article jusqu’au 30 novembre 2023 à journal.jrea@gmail.com

Références 

Anzieu, D. (1997). Le Moi-peau. Dunod.

Choinière, I., Pitozzi, E. et Davidson, A. (2019). Par le prisme des sens : médiation et nouvelles réalités du corps dans les arts performatifs. Technologies, cognition et méthodologies émergentes de recherche-création. Presses de l’Université du Québec.

Dewey, J. (1934). L'art comme expérience. Gallimard.

Duval, H., Raymond, C. et Odier-Guedj, D. (dir.). (2022). Engager le corps pour enseigner et apprendre. Diversité de perspectives. Les Presses de l'Université Laval. https://www.pulaval.com/livres/engager-le-corps-pour-enseigner-et-apprendre-diversite-de-perspectives

Freinet, C. (1943). Essai de psychologie sensible appliquée à l’éducation (Œuvres pédagogiques, Vol. 1). Seuil.

Giacco, G., Didier, J. et Spampinato (dir.). (2017). Didactique de la création artistique : approches et perspectives de recherche. EME.

Gibson, J. J. (1986). The ecological approach to visual perception. Psychology Press Taylor & Francis Group, LLC.

Godøy, R.-I., & Leman, M. (Eds.). (2010). Musical gestures. Sound, mouvement and meaning. Routledge. 

Johnson, M. (1987). The body in the mind. The bodily basis of meaning, imagination and reason. Chicago University Press. 

Kerlan, A. (2007). L'art pour éduquer. La dimension esthétique dans le projet de formation postmoderne. Éducation et sociétés, 1(1), 83–97. https://doi.org/10.3917/es.019.0083

Lahalle, A. et Lagoutte, D. (2004). Un art pour tous. Le dessin à l’école de 1800 à nos jours. INRP. 

Merleau-Ponty, M. (1964). L'œil et l'esprit. Gallimard. 

Merleau-Ponty, M. (2001). Phénoménologie de la perception. Gallimard. 

Mili, I., Rickenmann, R., Merchán Price, C. et Chopin, M.-P. (2013). Corps sonore / corps scénique / corps écrit. Corporéité dans les didactiques des arts (danse, théâtre, musique, arts visuels). Dans J.-L. Dorier, F. Leuteneggger et B. Schneuwly (dir.), Didactique en construction, construction des didactiques (p. 87–108). Raisons éducatives.

Montessori, M., Cromwell, M.-R. et Auba, J. (2018). Approfondissements du Sensoriel à l'abstraction. Desclée de Brouwer.

Pélissier, G. (1998, août). La pratique du point de vue de l’enseignement des Arts plastiques dans le secondaire [communication]. Pratiques et arts plastiques : actes de l'université d'été UHB Rennes 2, Rennes. 

Perret, C. (2018). À propos d’un « geste nôtre ». La caméra dans la tentative de Fernand Deligny. Dans C. Blümlinger et M. Lavin (dir.), Geste filmé, gestes filmiques. Éditions Mimésis. https://www.pourunatlasdesfigures.net/element/a-propos-dun-geste-notre-la-camera-dans-la-tentative-de-fernand-deligny

Pujade-Renaud, C. (2005). Le corps de l'élève dans la classe. L'Harmattan. 

Schaeffer, J.-M. (2015). L'expérience esthétique. Gallimard. 

Schiller, F. (1992). Lettres sur l’éducation esthétique de l’humanité. Aubier-Flammarion. 

Shusterman, R. (2007). Conscience du corps. Pour une soma-esthétique. Éditions de L’éclat. 

Terrien, P. (2021). Modéliser des dispositifs innovants de formation ? Deux exemples à l’étude. Dans M. Lebrun (dir.). La question de l’identité et de la formation culturelles du corps enseignant (p. 39-62). Presses universitaires de Namur.

Terrien, P. (2022). Le corps : un impensé didactique. Dans H. Duval, C. Raymond et D. Odier-Guedj (dir.), Engager le corps pour enseigner et apprendre. Diversité de perspectives (p.65–96). Les Presses de l'Université de Laval. https://www.pulaval.com/libreacces/9782763758114.pdf

Varela, F. J., Rosch, E., & Thompson, E. (1991). The Embodied Mind : Cognitive science and human experience. MIT Press.

Weber, P., & Delseaux, J. (2010). De l’espace virtuel, du corps en présence. Presses universitaires de Nancy. 

Winnicott, D. W. (1975). Jeu et réalité. Gallimard.